En cette fin de journée d’été, les Beyrouthins et Beyrouthines rentrent docilement à la maison. La touffeur de l’été, mêlée aux ruptures constantes de courant, ajoute à la lourdeur de la vie.
Les rares «chanceux» qui ont encore un boulot finissent leur quart de travail. À cette heure-là, les écoles ont déjà été vidées de leur marmaille grouillante. Les entreprises qui fonctionnent encore marchent au ralenti. L’économie à la traîne du pays est comme sous respirateur artificiel. Les Libanais, qui en ont vu d’autres, se sont habitués, au fil des ans, à un pays décimé par la guerre, les rationnements et la corruption de la classe politique.
À ce moment précis, quand la nuit reprend ses droits et où personne ne semble pressé de rentrer chez lui, soudain, un coup de tonnerre gigantesque se fait entendre à l’entrée du port, suivi quelques instants plus tard d’une autre explosion retentissante.
La double explosion, qui sera entendue jusqu’à l’île de Chypre, à 100 kilomètres de là, détruit tout sur son passage dans un rayon de 30 kilomètres. Beyrouth, pendant ces quelques minutes interminables, devient Hiroshima ou Nagasaki. En tout, 2 700 tonnes de nitrate d’ammonium sont relâchées dans l’air calciné de la ville.
Le bilan est lourd : 200 morts, 6 000 blessés et plus de 300 000 habitations détruites ou endommagées. Mais cela aurait pu être pire : 10 minutes plus tôt, la déflagration aurait fait beaucoup plus de morts et de blessés car, à 18h, plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient déjà quitté écoles, usines et autres établissements civils d’habitude bondés.
Toufic Aris, toujours sous le choc, résume l’ampleur de la catastrophe.
« Ces explosions du 4 août, c’est du jamais vu en 6 000 ans d’histoire au Liban. Cinq grands hôpitaux de Beyrouth ont été dévastés et démolis. Plusieurs écoles aussi ont été détruites. Des jeunes de Tripoli, du nord du pays (à majorité musulmane), sont venus aider à nettoyer les gravats. C’est tout le Beyrouth chrétien qui a été anéanti par ces explosions ».
Son témoignage complet est disponible
C’était bien avant l’explosion meurtrière d’août 2020, elle-même précédée par plusieurs années de guerre entre 1975 et 1990, suivie plus récemment d’une grave crise économique amplifiée par la pandémie du coronavirus. Le Liban n’a pas eu la partie facile.
Toufic Aris, comme plusieurs autres Libanais, s’est retroussé les manches pour tenter d’entrevoir un peu d’espoir dans les récents évènements. Ingénieur de formation, Toufic offre désormais une bonne partie de son temps bénévolement afin d’améliorer les choses. Il collabore au centre de don de colis alimentaire de la Société de bienfaisance arménienne catholique. Les demandes sont passées de 250 à 800 familles lorsque la COVID a débuté et les chiffres ont encore monté de manière plus marquée après les explosions.
Pour faire des dons :